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Homme Bhil devant le massif des Dang, Gujarat, Inde, 2007

Pierre de Vallombreuse

Les Bilhs, l’une des plus importantes minorités ethniques en Inde, estimée à plus de trois millions d’individus, est éparpillée dans tout l’ouest du sous-continent. Leur origine se perd dans la nuit des temps, puisqu’ils sont déjà mentionnés dans les épopées fondatrices de l’hindouisme, qui vante leurs talents d’archers. Peuple adivasis – terme collectif désignant les aborigènes de l’Inde, considérées comme autochtones dans les régions où elles vivent, il est aujourd’hui confronté à des bouleversements majeurs.

Peuple de chasseurs-cueilleurs, les Bhils entretiennent en effet un lien quasi fusionnel avec la forêt. Une culture qui ne perdure aujourd’hui, tant bien que mal, que dans le district des Dang, au sud du Gurajat (Pierre Prakash). Traditionnellement agriculteurs, vivant dans les forêts, ils sont animistes et pratiquent des rituels très proches de la nature. Férocement attachés à leur indépendance, ils sont connus pour avoir donné du fil à retordre aux Anglais. Petit à petit cependant, ils sont dépossédés de leurs droits sur les forêts. Il y va pourtant de leur survie. Dans le massif des Dang du Gujarat en particulier, les hautes forêts de teck qu’ils exploitent et qui constitue un trésor de biodiversité sont l’objet de toutes les convoitises. Le lien que les Bilhs entretiennent avec la nature s’altère et leur identité se désintègre peu à peu inexorablement.

En photographiant et en témoignant depuis plus de trente ans sur ces peuples racines, comme il les appelle, Pierre de Vallombreuse remet en question l’idée d’une modernité positive et dresse un portrait amer de notre société contemporaine. Comme le rapporte Edgard Morin, Pierre de Vallombreuse s’est engagé, utilisant le témoignage photographique, pour l’existence de tous les peuples victimes historiquement des Etats nationaux et dont les civilisations sont mises en péril par notre civilisation (…). Dans ce combat s’est révélé également le sens de sa vie. Et de conclure : Il y a un patrimoine culturel de l’humanité protégé par l’Unesco ; il n’est pas seulement de monuments, d’architecture, d’art, de paysages ; il est aussi d’existences de sociétés humaines qui sont autant de résistances à la barbarie de la civilisation évoluée et à la cruauté du monde.