#79

La petite fille en mantille, Séville, 1981

Sabine Weiss

Comme ce regard d’enfant est impressionnant ! Cette petite fille, en robe noire et gants blancs immaculés, coiffée d’une mantille noire, porte avec l’élégance et la dignité d’une grande dame son habit de deuil, tenant avec la plus grande gravité un chapelet de sa main gauche et une bougie de sa main droite. Son regard pénétrant est à la fois majestueux et ambivalent – empreint de sérieux et de tristesse. On imagine sans peine que la photographe ait été attirée par cette enfant singulière à la présence si intense…

C’est au cours de la Semaine Sainte (la Semana Santa), l’une des fêtes les plus importantes d’Espagne, que l’on porte ce costume. Commençant le Dimanche des Rameaux, la Semaine Sainte s’achève une semaine plus tard, le Dimanche de Pâques, pour la commémoration de la Résurrection du Christ. Durant ces 7 jours dédiés à la Passion du Christ, les confréries (Hermandades et Cofradias) sortent les statues les plus vénérées des églises pour être portées comme des trophées sur des pasos, ces autels somptueusement chamarrés et portés à dos d’hommes. Au cours de processions majestueuses, une foule considérable se presse alors dans les rues pour admirer ces célébrations et pour se recueillir.
A Séville en particulier, les fêtes sont portées à leur paroxysme de frénésie et de dévotion. Le point d’orgue de cette semaine intense a lieu lors de la Madruga lorsque, dans la nuit du Jeudi au Vendredi Saint, sortent les plus célèbres congrégations de Séville : la Macarena, Esperanzade Triana, Jesus del Grand Poder

La tradition veut également que les femmes soient vêtues de noir, couleur de deuil et de douleur, en hommage à la Passion du Christ, et coiffées d’une mantille, ce grand voile de dentelle noire revêtant les cheveux. Et dans le strict respect de cette coutume millénaire, les petites filles se font un point d’honneur à être aussi élégamment vêtues que leurs mères…