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Le festival de Thrissur Pooram, Kerala, Inde, avril 2010

Asha Tadani

C’est une image forte, de celles que l’on ne peut trouver qu’en Inde : un homme apparaît en pagne, sous les défenses d’un éléphant somptueusement chamarré – c’est son mahout, celui qui est tout à la fois son maître, son guide et son soigneur. Cette relation si puissante entre l’homme et l’éléphant est si particulière qu’habituellement un mahout ne s’occupe que d’un seul éléphant au cours de sa vie. Nous sommes ici au Kerala, durant le Thrissur Pooram, le festival des festivals.

Au Kerala, un Etat du Sud de l’Inde fortement rural, la vie est rythmée par les festivals annuels dédiés aux dieux des villages. Parmi ces festivités, le Thrissur Pooram est de loin le plus beau, le plus renommé, le plus somptueux d’entre eux. Ce pooram (littéralement : un rassemblement) a ceci de singulier que, bien qu’il s’agisse d’un rituel hindou, il est de nature laïque – toutes les communautés religieuses (hindoues, chrétiennes, musulmanes) y participent, marquant en cela la diversité culturelle du Kerala.

Le pooram de Thrissur, surnomé « le pooram de tous les poorams », a été organisé pour la première fois en 1798 par le Raja Rama Varma – également appelé Sakthan Thampuran –, le souverain de la principauté de Cochin. Célébré chaque année à une date déterminée en fonction de l’astérisme Moolan (un terme d’astronomie désignant une figure remarquable dessinée par des étoiles particulièrement brillantes) soit au cours du mois de Medam – avril/mai – à la fin des récoltes, ce festival annuel est dédié à la déesse Durga ou à la déesse Kali.

Le point culminant du festival est celui de la parade des éléphants – on dit d’ailleurs que le pooram de Thrissur est l’un des plus importants rassemblements d’éléphants au monde (il y en a parfois jusqu’à 120). Servant de véhicule à la divinité, les éléphants sont admirablement décorés de nettipattam (décorations de coiffure dorées) ornés de décorations plaquées d’or, de kolam (motifs d’inspiration géométrique de nature éphémère), de clochettes décoratives et de divers ornements inouïs tels que des éventails faits de plumes de paon (aalavattam), des éventails royaux faits de poils de yak (venchamaram) ou bien encore de parasols pailletés en soie (muthukuda). Rythmée par le panchavadyam – un battement de tambour spontané – d’un orchestre de plus de cent percussionnistes, la parade quitte le temple de Vadakkunnathan, un ancien temple dédié à Shiva situé au cœur de la ville et traverse la cité pour s’affronter devant plusieurs centaines de milliers de spectateurs. Le temple gagnant est celui qui présentera les plus beaux éléphants avec le plus bel équipage ainsi que les plus belles ombrelles levées tour à tour, déclenchant à chaque levée des cris parmi les nombreux dévots et curieux. Le pooram se termine par un feu d’artifice, le Pakal Vedikkettu.

Pour la population de Thrissur, ce pooram n’est pas seulement un festival, il incarne un moment privilégié lui permettant de célébrer avec éclat sa sécularité tout autant que son célèbre sens de l’hospitalité.