#121

La police de Berlin-Est derrière le Mur, Berlin, 1961

Jürgen Schadeberg

Lorsque je préparais, à l’occasion des 20 ans de la chute du Mur de Berlin, en 1989, une exposition avec le photographe Jürgen Schadeberg, j’avais contacté, sans aucun espoir de retour, John Le Carré, par l’intermédiaire de son éditeur, en lui demandant s’il accepterait de parrainer l’exposition et d’en choisir les photographies. Personne, en effet, ne me semblait mieux placé que lui pour cette mission. A ma grande surprise, il me répondit peu après, et dans une lettre charmante me remercia de cette confiance tout en refusant ma proposition…

La construction du mur de Berlin, au cours de l’été 1961, par les autorités Est-allemandes a constitué un événement sans précédent dans l’histoire de la guerre froide. A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, Berlin est une ville divisée en zones d’occupation par les vainqueurs – à l’Est, sous contrôle soviétique ; à l’Ouest, sous contrôle conjoint des Français, des Britanniques et des Américains. En août, Walter Ulbricht, président de la République Démocratique Allemande, annonce que dorénavant un mur séparerait la partie Ouest de la ville de sa partie Est. L’opération muraille de Chine est déclenchée dans la nuit du 12 au 13 août 1961 : 25000 soldats et miliciens tirent plus de 130 km de barbelés. Devant l’absence de réaction occidentale, la construction d’un véritable mur de béton est engagée quelques jours plus tard. Le Mur de la honte, comme le dénonça Kennedy en 1963 à l’occasion de sa visite en RFA, tiendra 28 ans…

L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en URSS en 1985 infléchira le sens de l’histoire. Décidé, avec sa politique de la Perestroika (la reconstruction) et de Glasnost (la transparence) de bouleverser la confrontation Est-Ouest, Gorbatchev révolutionnera l’échiquier international. En quelques mois, le vent de la liberté souffle en Europe centrale, et les évènements se succèdent à un rythme très rapide. Le 9 novembre 1989, à minuit, le Mur de Berlin est ouvert. Symbole du paroxysme de la tension Est-Ouest, ce Mur a représenté, pendant de nombreuses années, l’épicentre de la guerre froide.

Cette photographie aurait pu être tirée d’un roman de John Le Carré. Cette notice est un hommage à son formidable talent de conteur, lui qui a écrit les plus prodigieux romans d’espionnage sur l’époque de la Guerre Froide.

Quelques chiffres sur le Mur de Berlin
  • 155 km de frontière séparaient Berlin-Ouest de la RDA, dont 45 km de frontière intra-urbaine
  • 7200 m3 de dalles de béton séparaient les deux parties de la ville
  • 302 miradors, 250 postes de chiens de garde, 14 000 gardes-frontières le long du Mur
  • 193 rues coupées, 11 stations de métro fermées sur les 33 de Berlin-Est
  • 2,46 millions d’Allemands de l’Est ont fui à l’Ouest entre 1949 et 1960
  • 5075 « passe-murailles » ont rejoint Berlin-Ouest entre 1961 et 1989
  • 262 morts lors de tentatives de passage du Mur.