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Les toits de Rome, 2020

Claire de Virieu

Dans les Mémoires d’outre-tombe, épopée lyrique rythmée par un récit à la première personne retraçant la condition de l’homme moderne aux prises avec l’Histoire, Rome est l’une des articulations symboliques majeures de cette puissante alliance d’expérience, de poésie et de pensée mise en œuvre par l’héritier romantique des Essais de Montaigne (Marc Fumaroli, Chateaubriand et Rome).

Chateaubriand découvre Rome en juin 1803 alors qu’il vient d’être nommé premier secrétaire du nouvel ambassadeur auprès du Saint-Siège, le cardinal Fesch, oncle de Bonaparte. Chantre d’une mélancolie historique qui prône un retour au catholicisme de son enfance, il considère la ville éternelle comme prédestinée. A la recherche du secret d’éternité de Rome, dont il a aimé la beauté grandiose, c’est une révélation :

Rien n’est beau comme les lignes de l’horizon romain, comme la douce inclinaison des plans, et les contours suaves et fuyants des montagnes qui le terminent. Souvent les vallées y prennent la forme d’une arène, d’un cirque, d’un hippodrome; les coteaux y sont taillés en terrasses, comme si la main puissante des Romains avait remué toute cette terre. Une vapeur particulière, répandue dans les lointains, arrondit les objets et fait disparaître ce qu’ils pourraient avoir de trop dur ou de trop heurté dans leurs formes. Les ombres n’y sont jamais lourdes et noires; il n’y a pas de masses si obscures dans les rochers et les feuillages, où il ne s’insinue toujours un peu de lumière. Une teinte singulièrement harmonieuse marie la terre, le ciel, les eaux : toutes les surfaces, au moyen d’une gradation insensible de couleurs, s’unissent par leurs extrémités, sans qu’on puisse déterminer le point où une nuance finit et où l’autre commence. Vous avez sans doute admiré dans les paysages de Claude Lorrain, cette lumière qui semble idéale et plus belle que nature ? Eh bien, c’est la lumière de Rome.

(Chateaubriand, Correspondance générale, I, 1789-1807, « A Louis de Fontanes »).