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The spark of the divine, Inde

Asha Tadani

Dans cette photographie, l’acteur de rue est peint comme un oiseau, et sa coiffe est ornée de plumes de pigeon. Il joue un rôle dans la représentation de rue du Ramayana, la célèbre épopée héroïque indienne qui raconte la vie et la marche (ayana) de Rana, l’offensive guerrière de Rama, prince d’Ayodhya, et de son épouse Sita, fille du roi Janaka. L’intrigue du Ramayana est bien plus simple que celle de l’autre grande épopée indienne, le Mahabharata : une épouse (Sita) est enlevée par un ravisseur (Ravana) au moyen d’un stratagème ingénieux, et toute l’intrigue consiste dans la reconquête de la princesse Sita.

Dans la mythologie indienne, les oiseaux symbolisent la liberté et sont supposés représenter le lien entre le ciel et la terre. Selon cette croyance, les pigeons sont les âmes de nos ancêtres morts. Il est ainsi tout à fait courant, en Inde, de nourrir les oiseaux ; un des rares rites envers les animaux qui ne soit pas cruel.

Dans l’Inde rurale, un même costume est utilisé pour représenter différents personnages. Ainsi, lorsque celui-ci est un chasseur, la ressemblance à un animal ou à un oiseau est un avantage indéniable et les cultures traditionnelles ont toujours utilisé les plumes, les cornes et les os des animaux comme des ornements possédant des pouvoirs magiques. De même, l’imitation des animaux par les sons, les vêtements ou les comportements est l’une des ruses les plus populaires pour piéger et tuer sa proie.

Le succès populaire du Ramayana est considérable, particulièrement dans le sud de l’Inde (où a été prise cette photographie), gardant encore aujourd’hui une force et une vitalité qui étonne les Occidentaux. Le fracas des armées d’autrefois, les prodiges des dieux, les identités clandestines, la quête d’une destinée, ou d’une vérité (…) , le goût de l’exploit, l’appel de l’espace, tous ces éléments parlent encore aujourd’hui de très près aux habitants de cette partie du monde. L’Inde est la plus épique des nations, sans doute aussi la plus pénétrée de mythologie (…). Un Indien contemporain ne vit pas seulement dans le temps d’aujourd’hui. Il participe, qu’il le veuille ou non, à un autre temps, qui ne se mesure pas, qui n’a ni commencement, ni dates, ni peut-être de fin, et que les chants des épopées agitent tout autour de lui, quand il travaille et quand il dort. (Jean-Claude Carrière, Dictionnaire amoureux de l’Inde, Ramayana).