#74

La dernière caravane d'hiver sur le toit du monde, Pamir afghan, hiver 1970-71

Roland & Sabrina Michaud

Roland et Sabrina Michaud, photographes voyageurs ou plutôt voyageurs photographes ont fait de cette maxime de Platon l’emblème de leur quête : Le beau est la splendeur du vrai. Cultivant le paradoxe et signant toujours leurs images de leurs deux prénoms, on ne sait d’ailleurs jamais lequel des deux a fait la photographie, renforçant ainsi l’extraordinaire fusion que constitue leur œuvre. Cette photographie symbolise à merveille ce qu’a été leur mission – montrer le beau, l’authentique, la grandeur d’une autre culture.

Cette photographie, c’est d’abord l’histoire d’un secret fort bien gardé qu’ils ont réussi, à force de patience et d’intrigues, à percer. Installés en Afghanistan, les Michaud entendent parler des fabuleux voyages de caravanes de chameaux qui, en plein hiver, passent les redoutables cols à plus de 5000 mètres par -20 degrés. Ils finissent par convaincre leurs interlocuteurs de les laisser aller avec eux et les voilà partis rejoindre, en plein hiver, les caravanes de chameaux qui empruntent les rivières gelées comme voie de passage, évitant ainsi les cols bloqués par la neige. Cette photographie, qui a fait la couverture du National Geographic à l’époque, les a rendus célèbres du jour au lendemain. Mais c’est, en définitive, surtout une superbe aventure humaine, qui les aura profondément marqués : Aujourd’hui, cette caravane n’existe plus. Elle est devenue la dernière caravane de Haute Asie. Avec le recul, elle a acquis une dimension non seulement historique mais symbolique, qui nous dépasse infiniment. Il nous fallait la raconter avant qu’il soit trop tard.

C’est aussi l’histoire d’un avant-goût de paradis : L’Afghanistan nous a révélé l’eldorado qui sommeille en chacun de nous (…). Ce pays de légende contenait quelque chose de particulier qui avait disparu ailleurs. Il concentrait à lui seul la quintessence de la beauté, de la noblesse, de la grandeur, de la violence et de la sagesse. Ses habitants d’ethnies variées demeuraient fidèles à leurs traditions, protégés par leurs montagnes à l’abri de la modernité et de la fureur du monde, et vivaient en harmonie avec la nature qui les entourait (…). Nous garderons la nostalgie de cet avant-goût de paradis.