#73

Enfant, Himalaya

Matthieu Ricard

Comme cet enfant a l’air sérieux et concentré, conscient de l’importance de ce moment précis où il est chargé de porter cet immense instrument de musique – une spectaculaire trompe télescopique en métal, le dung chen, dont la taille peut atteindre quatre mètres. Vêtu d’un costume traditionnel chamarré aux multiples rubans flamboyants, son étrange chapeau jaune bien enfoncé sur sa tête, il avance avec gravité sur le devant de la scène. On imagine bien l’importance que ce moment peut représenter pour lui, à l’époque, vraisemblablement, des grandes cérémonies annuelles, appelées drouptchèns – le grand accomplissement.

La présence d’enfants dans les monastères du bouddhisme tibétain demeure toujours un motif d’étonnement pour les Occidentaux. S’il est de tradition dans les familles tibétaines en effet d’envoyer au moins l’un de ses enfants au monastère, d’autres facteurs jouent en faveur de ce phénomène : la fierté d’avoir un enfant moine, le fait que cela porte bonheur à la famille mais aussi la vocation (quoique l’on puisse se demander si on peut être sûr de son destin à 6 ans…) ou bien encore la volonté des moines d’accueillir des enfants défavorisés. Un destin meilleur en principe, en quelque sorte ! Au monastère de Shéchèn, où a été prise cette photographie et où réside Matthieu Ricard, plus de la moitié des résidents (environ 300) sont des enfants ou des adolescents.

L’une des principales vocations d’un monastère réside en effet dans l’éducation : dès l’âge de six ans, les enfants apprennent à lire et à écrire les différentes écritures tibétaines. L’école élémentaire dure six ans et ensuite les enfants apprennent, durant deux ans, les rituels, la musique et les danses sacrées. Le choix de leur avenir se fait à l’âge de quinze ans : ils peuvent rester au monastère ou bien quitter l’établissement pour reprendre une vie laïque. On ne prononce ses vœux monastiques qu’à l’âge de vingt ans – ce qui laisse aux jeunes gens le temps de choisir le sens qu’ils veulent donner à leur vie.

Sans peur, sans arrière-pensée, et sans effort, on laissera jaillir de l’espace de l’esprit des gestes divins et des mouvements de danse inconnus, des chants jamais entendus.

                             Tantra de la Roue du Temps