#71

Madagascar

Anne de Vandière

Photographe à l’âme nomade et tendre, Anne de Vandière parcourt le monde dans le cadre de son projet Tribus du Monde. A l’occasion de son passage à Madagascar, une île dont elle dit qu’elle cultive le mystère de ses origines, elle rencontre notamment des représentants de l’ethnie Vezo, un peuple de la mer.

Dans cette île envoûtante et qui est l’un des pays les plus pauvres du monde, tout est vie et mort à la fois. D’abord, tout est organique, endémique, et tout résonne et cohabite avec une multitude de formes de vie. Mais c’est aussi une île où les morts ne meurent jamais. C’est une île où les ancêtres sont toujours présents, quoi que l’on fasse. C’est très touchant.
Au sud de l’île, Anne de Vandière part à la rencontre des Vezo, un peuple de l’océan semi-nomade et fier, qui s’élance à l’aube ou au crépuscule à bord de leur élégante pirogue à balancier, pêcher, au filet ou à la ligne, mais aussi en apnée pour harponner les poissons et la langouste. En rapportant leur prise au village ils ont tous cette inquiétude au bord des yeux. La mer se vide, de gros bateaux au large pillent l’océan et ils se retrouvent seuls, peuples connectés à la terre-mère depuis les origines, à gérer la surpêche qui les mets en danger. C’est toute l’absurdité de notre monde contemporain, la lutte de David contre Goliath…

Cette pirogue, creusée dans le tronc d’un seul arbre et équilibrée par un balancier, s’appelle un lakam. Comme le raconte Railovy, le pêcheur Vezo qu’elle a rencontré, sa fabrication comme sa manœuvre demandent un savoir-faire transmis au fil des générations. Ce dernier raconte que son arrière-grand-père construisait déjà les pirogues du village et que son souhait le plus cher serait de transmettre ces secrets de fabrication à ses propres enfants. Car, dit-il, de l’eau salée coule dans notre sang, et des forces surnaturelles, que ce soient nos ancêtres ou des génies, veillent sur nous. Nous ne devons pas offenser leurs âmes sous peine de malheur. Ces esprits habitent la mer et surveillent l’entrée des passes et des estuaires.
Puissent les esprits de la mer les protéger encore longtemps ! …