#67

Twin Towers, Manhattan, 1978

Louis Stettner

Quoi de plus poétique qu’une mouette, saisie en plein vol sur le port de New York, sur un fond gris maussade, un temps d’hiver plein de brume. Quoi de plus troublant que de voir, de revoir les Twin Towers dans l’arrière-fond de l’image ? Bien sûr, cette photographie, prise à la fin des années 1970, est pour nous rétrospectivement, aujourd’hui, une forme de célébration de ces tours – aujourd’hui disparues depuis les attentats du 11 septembre 2001. On ne peut, en effet, plus regarder cette image de la même manière qu’avant…. Et c’est peut-être est-ce aussi pour cela que cette photographie nous est si chère et nous émeut particulièrement.

Louis Stettner (1922-2016) a commencé très tôt à fréquenter les musées – faisant dès son adolescence des visites prolongées au Metropolitan Museum de New York, où il découvre la revue Camera Work et les travaux d’Alfred Steiglitz et de Paul Stand. Il prendra quelques cours, un peu plus tard, à la Photo League, une coopérative de photographes désireux de développer la photographie sociale. A 18 ans, il intègre l’armée américaine comme combat photographer, ce qui le mènera pendant la guerre jusqu’au Pacifique et à Pearl Harbor. Une expérience qui l’a profondément marquée : Si mes photographies sont inspirées par la vie quotidienne, et en particulier par l’« homme ordinaire », c’est parce que j’ai été marqué par mes années de formation et politisé par les évènements mondiaux. J’ai grandi à l’époque de la montée du totalitarisme.

Après la guerre, Stettner va expérimenter, pour le restant de ses jours, un aller-retour permanent entre les Etats-Unis et Paris, qu’il découvre à ce moment-là. Nous étions en 1946, j’avais prévu de ne passer que quelques jours à Paris, qui était alors la capitale des arts. Comme j’étais attiré par la sculpture, j’ai pris des cours avec Zadkine, mais je préférais la photo (…). L’atmosphère de la guerre se faisait encore sentir, mais les gens recommençaient à sourire. Et Paris redevint le Gai Paris. Il y avait bien deux-trois orchestres qui jouaient chaque soir. La vie sociale y était plus animée, les rassemblements plus nombreux. Mais, ici comme là-bas, l’approche du photographe reste la même : il n ‘existe aucune différence entre la photographie humaniste à la française et la street photography à l’américaine.

Stettner s’installera définitivement à Paris au début des années 1990. Il a cherché, tout au long de sa vie à saisir la grandeur de la vie quotidienne et de la réalité qui l’entourait. Comme il l’avoue lui-même, ma vie a été une route joyeuse, dans laquelle des moments magnifiques et des témoignages d’humanité splendide ont effacé comme par magie les difficultés rencontrées. Je ne regrette rien et je n’aurais rien fait autrement.