#133

Banteay Chmar, 1999, Cambodge

Jaroslav Poncar

Cette photographie de Banteay Chmar par Jaroslav Poncar clôt le cycle de ma chronique d’un temps suspendu, commencée au printemps dernier au début du confinement. J’espère qu’elle vous aura plu et qu’elle aura pu vous permettre de vous évader du sombre quotidien qui a été le nôtre pendant tout ce temps là.

Le temple de Banteay Chmar, un des sites archéologiques majeurs du Cambodge, reste aujourd’hui encore largement méconnu. Par ailleurs, la présence des Khmers rouge dans ce secteur jusqu’en 1999 rendait toute visite du temple impossible.

Situé dans le Nord-Ouest du Cambodge, près de l’actuelle frontière avec la Thaïlande, ce site, construit au XII°s. sous le règne du célèbre Jayavarman VII (le constructeur d’Angkor Vat), est pourtant un site majeur, tout comme le Preah Khan d’Angkor auquel il peut être comparé tant par la surface de la ville – environ 800×600 m – que par celle du complexe sacré – environ 250 m sur 190 m. Tout comme au Bayon sur le site d’Angkor, on retrouve des tours aux façades énigmatiques ainsi que des bas-reliefs gravés sur le mur d’enceinte extérieur, relatant les hauts faits de batailles, de la vie quotidienne ou bien encore de la mythologie.

De par son isolement dans la forêt et sa proximité de la frontière thaïlandaise, Banteay Chmar a malheureusement payé un tribut extrêmement lourd au vandalisme et au pillage.

Ce qui frappe de prime abord lorsque l’on visite Banteay Chmar, c’est l’état de délabrement général des monuments, pratiquement tous en ruines, l’enchevêtrement des pierres et l’emprise de la jungle sur l’ensemble – arbres, lianes, mousses, etc. On visite donc aujourd’hui Banteay Chmar dans des conditions identiques à celles qu’ont dû connaître les explorateurs français qui découvraient Angkor au XIX° siècle… C’est peut-être la raison pour laquelle ce temple garde encore aujourd’hui une saveur si particulière, le charme fou d’un moment hors du temps.

Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence.
Chateaubriand, Génie du christianisme