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Les Caryatides, Portique de l'Erechtheion, Acropole d'Athènes

Robert McCabe

L’Acropole domine la ville d’Athènes. Sur ce plateau d’un peu moins de 3 ha, le génie grec a assemblé l’un des plus remarquables ensembles architecturaux de l’histoire de l’humanité. Parmi ces temples et ces sculptures, certains ont pu parvenir jusqu’à nous, et c’est un cadeau des dieux.

Parmi les monuments qui ont survécu, l’Erechthéion, un ancien temple grec d’ordre ionique, se situe au nord du Parthénon. Dernier des monuments érigés sur l’Acropole avant la fin du Ve siècle av. J.-C. – il fut achevé juste avant la chute d’Athènes en 406 – il est renommé pour son architecture et les statues qui ornent sa façade. Depuis les origines de l’Acropole, l’Erechthéion était un lieu de culte essentiel  – intimement lié à la fondation et à la pérennité de la cité, et il le restera toujours. Assemblage complexe de plusieurs sanctuaires, il offre cependant une apparente unité architecturale par la grâce de ses portiques.
C’est à l’Erechtéion qu’a éclaté la dispute entre Athéna et Poséidon pour la possession de l’Attique – Athéna offrant l’olivier, Poséidon faisant jaillir un bassin d’eau salée par un coup de trident. Cette querelle divine symbolisait la lutte d’Athènes et d’Eleusis pour la suprématie de l’Attique. Ce temple était donc le sanctuaire où l’on vénérait les héros qui avaient créé la cité et renforcé son pouvoir – Cécrops, Erechthée, Pandrose et Boutès – et où l’on pouvait encore retrouver des souvenir de leur existence. C’est ainsi que l’olivier d’Athéna, les traces du coup de trident de Poséidon, l’endroit où Erechtée avait été mortellement blessé ou le tombeau de Cécrops – tout cela avait été pieusement conservé dans l’édifice que l’on peut encore voir aujourd’hui.

Le portique des Caryatides – littéralement, femmes de Caryes, du nom d’une ville de Laconie – , œuvre majeure de l’art héllénique, demeure le motif le plus original de l’Erechthéion. C’est une sorte de dais funéraire placé au-dessus du tombeau de Cécrops, le roi-serpent, et l’un des mythiques fondateurs d’Athènes. Le portique comporte six statues de jeunes filles (korè), qui exécutent avec beaucoup de grâce leur fonction de support. Droites, vêtues de longues tuniques ioniennes, elles portent en guise de coiffure un chapiteau circulaire décoré d’oves et de fers de lance.
On pense que ce portique servait peut-être de tribune depuis laquelle certains personnages officiels (prêtresses, Arrhéphores – fillettes de noble naissance) pouvaient contempler le défilé et les cérémonies des Panathénées (festivités religieuses et sociales d’Athènes ) en même temps qu’il masquait l’escalier reliant l’Erechthéion à la terrasse de l’Acropole.
Les attitudes des jeunes filles sont agencées de telle sorte que les lignes extérieures restent dans la verticale, tandis que les lignes infléchies sont rejetées à l’intérieur. Il en résulte une composition rythmée par une alternance de lignes rigides et de lignes souples, associant ainsi la stabilité de la colonne inerte au mouvement de la figure vivante. Ce motif, d’origine ionienne, rappelle d’ailleurs un trait caractéristique de l’architecture des trésors de Cnide et de Siphnos à Delphes.

Laissons au poète grec Georges Séfiris le mot de la fin : J’appartiens à un petit pays. C’est un promontoire rocheux dans la Méditerranée, qui n’a pour lui que l’effort de son peuple, la mer et la lumière du soleil. C’est un petit pays mais sa tradition est immense. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle s’est transmise à nous sans interruption (…). Elle a subi les altérations que subit toute chose vivante. Mais elle n’est marquée d’aucune faille… (extrait de son discours de réception devant l’Académie du prix Nobel, novembre 1963).