The Midnight Kids, Sophiatown, 1954

Jürgen Schadeberg

Jürgen Schadeberg est parti très jeune de son Berlin natal pour l’Afrique du Sud, dans les années 1950, en pleine époque d’apartheid. Il rejoindra rapidement la brillante équipe de Drums, le grand magazine culturel sud-africain de la communauté noire, dont il allait devenir le très renommé directeur artistique.

C’est à Sophiatown, le quartier pauvre et violent de Johannesburg, qu’a émergé une extraordinaire scène musicale africaine donnant le ton du meilleur jazz de l’époque. Sur cette image, les Midnight Kids, un groupe vocal du quartier, donne un concert dans une petite salle. Et si la jeune fille, sagement habillée d’une jupe blanche et d’un corsage noir, semble plongée dans sa chanson, les couples de jeunes hommes en nœud papillon paraissent tout aussi sérieux et appliqués. Bien que ce groupe n’ait pas eu la notoriété d’une chanteuse comme Miriam Makeba ou Hugh Masekela, ces très jeunes chanteurs n’en évoquent pas moins le joyeux dynamisme d’une communauté en butte à une oppression redoutable. Et c’est en cela que réside la force de cette photographie, qui montre que, malgré un environnement hostile, la vie peut être belle et joyeuse. Et également subversive, dans son aspect le plus positif – c’est-à-dire résistante car, comme le dit Roland Barthes, la photographie est subversive, non lorsqu’elle effraie, révulse ou même stigmatise, mais lorsqu’elle est pensive.