#41
Communiante à Salamanque, 1956
Edouard Boubat
Les photographies d’Édouard Boubat reflètent un certain état d’esprit, une recherche incessante de l’émotion et un art consommé de l’instant fugace. Cette exaltation nostalgique et tendre prend toujours un aspect d’une grande simplicité, à la recherche de l’essentiel. La photographie de cette jeune communiante n’échappe pas à la règle et le regard solennel, voire apeuré, de cette enfant somptueusement habillée comme une petite mariée nous interpelle et nous trouble. Et dans l’arrière-plan, la silhouette de profil du prêtre renforce cette étrange impression de gravité. On se prend à se demander si un drame n’est pas sur le point de naître…
Tout l’art de l’artiste tient dans sa maîtrise de l’évanescence : On me demande souvent: « Comment avez-vous commencé ? » J’aimerais dire : par la lumière (…) Comme le coup de foudre du premier amour, du premier regard, efface tout le reste et instaure un certain vide, j’avoue qu’au moment même de la prise de vue je suis sans projection, sans vouloir, sans intention, sans souvenir. Le sujet que je photographie s’est emparé de moi : c’est l’élan du sans calcul. Cela se fait dans l’instant. Je suis ouvert. Cette ouverture permet la percée de l’instant fugitif où tout baigne dans une seule et même lumière.
Une photographie de Boubat procure une sensation de fulgurance inaltérable : Je pense aussi à certains paysages de pays étrangers, de moissons, de premières communiantes, (…) d’instants de lumière, de fulguration d’un bonheur inexplicable, impossible à nommer, aussi fugitif que le vent (…) du souffle anéantissant de l’amour. (…) La photographie de Boubat – en particulier celle de femme – opère toujours dans un champ qui dépasse celui de sa représentation. (…) Au même moment où Boubat capte la singularité inéluctable d’un visage il semblerait que ce soit toujours au moment où il s’y attend le moins, celui où le visage quitte son identité pour se perdre dans ce qui existe en même temps que lui, près ou loin de lui, ou à côté, ou perdu, ou mort. (Marguerite Duras)