#31

Fundamente Nuovo, Venise, 1959

Willy Ronis

Une enfant s’engage délicatement, avec toute la grâce d’un funambule, sur l’un des pontons des zattere ; alors qu’au loin on aperçoit de petits groupes de personnes et quelques barques disséminées en arrière-plan de l’image. La photographie est prise à contre-jour et la silhouette dansante de l’enfant se détache comme une ombre légère et presque irréelle sur l’eau calme de la lagune. Nous sommes à Venise, en 1959, et c’est la fin d’une chaude journée d’été.

Cette photographie ne doit cependant pas tout au hasard. Son auteur, concevant la photographie avant tout comme une émotion, était un adepte de la fatalité heureuse. Ayant repéré cet espace qui lui semblait particulièrement intéressant, il s’était installé devant le ponton, aux aguets, espérant que la chance lui sourirait. J’avais équipé mon appareil d’un téléobjectif moyen (90 mm) pour rapprocher un peu l’arrière-plan, et je forme des vœux pour que quelqu’un franchisse ce mini-pont de fortune (…) Et le miracle souhaité se produit. Je dois courir pour me mettre à la bonne place et, dans l’urgence à libérer le déclic au moment opportun, mon cadrage est un peu basculé. J’ai pris soin de déclencher à l’instant où les deux pieds de la fillette sont au contact du sol. Ainsi naissent parfois les plus grandes photographies.