Pleine lune, désert d’Atacama, Chili
Andres Figueroa
On dit d’Atacama qu’on y trouve le ciel le plus pur du monde… Dès le coucher du soleil, la visibilité est admirable et la vraie nuit australe peut commencer. L’emprise du désert amplifie cette sensation si particulière d’être au ciel, transporté dans un autre monde. Une émotion inoubliable, évoquée par un de ses plus fervents admirateurs, le poète chilien Pablo Neruda.
Cordillière des Andes
Je dois dire que l’air
tend ici un filet. Et les nuages, la neige,
au faîte suprême des Andes
se sont arrêtés là comme des poissons purs,
immobiles, invaincus.
La forteresse
du plus rigoureux des déserts
m’entoure :
dans ses mille tours siffle
le vent futur ;
du haut des cordillères édentées
tombe l’eau métallique,
filet rapide
qui semble fuir
le ciel à l’abandon.
Toute parole meurt. Tout meurt.
Silence et froid est la matière
du mort ; du sarcophage ;
en plein soleil, étincelant, coule le fleuve,
loin de la dureté
et de la mort s’éloigne en se précipitant
la neige que la douleur durcissait
et qui, agonisante, descendit
de la hauteur cruelle
où elle dormait :
hier, ensevelie,
aujourd’hui, maîtresse du vent.
Pablo Neruda, Mémorial de l’Île Noire, III. Le feu Cruel, Cordillères du Chili